Il était une fois une jeune femme de dix-huit ans qui vivait loin de chez elle, plongée dans des études qui devaient faire d'elle quelqu'un de bien, selon ses parents. Ils l'avaient envoyée à Lyon, où elle passait ses journées à travailler dans le seul but de les satisfaire. Cette jeune femme s'appelait Camille. Elle était motivée à l'idée d'étudier, mais elle avait un lourd secret qui lui donnait envie de tout arrêter : Elle était enceinte. Et toujours elle avait rêvé d'un enfant, sans trouver l'homme avec qui elle eut envie d'en avoir un. Pourtant, elle en attendait enfin un, ou plutôt une, selon l'échographie. N'allez pas croire que Camille est la réincarnation de la vierge Marie. Disons plutôt que personne, à part elle, ne connaît la vérité sur le père du bébé. Il est inconnu. Il ne s'est jamais manifesté. Il n'a jamais existé aux yeux de sa fille. Peu importe. Camille, sans en dire un mot à sa mère, accoucha bientôt d'une petite fille aux yeux de couleur noisette. C'était un jour de printemps particulièrement humide et brumeux, et il devait être 5h du matin quand eut lieu la naissance. Dehors régnait une étrange lumière bleue qui ricochait contre le béton. C'est du moins ce que raconta Camille la rêveuse à sa fille pour justifier l'invention d'un tel prénom. Blue. S'ajoutèrent ensuite à ce récit des farfadets, une gentille fée et trois étoiles filantes. Ainsi était Camille. Toute anecdote devenait une histoire fabuleuse qu'elle adorait raconter à sa fille pour que celle-ci s'endorme. Car la petite Blue, terrorisée par le noir jusqu'à ses treize ans, était également une insomniaque diplômée, et l'est malheureusement toujours. Je peux le certifier mieux que personne, parce qu'en fait, Blue, c'est moi. Je suis née en Avril, à ce que Maman aime appeler "l'heure bleue". Mon nom de famille ? Elle m'en a inventé un qu'elle aurait aimé porter. Perrault, comme les contes, et leur auteur.
Maman a toujours adoré raconter des histoires. Elle aurait pu être un bon auteur, mais elle manquait de confiance en elle. Moi, en tous cas, j'ai été bercée depuis ma naissance par toutes sortes de récits fantastiques dont elle raffole. Elle n'avait pas beaucoup d'amis, elle semblait toujours en décalage par rapport aux autres. Un peu à côté de la plaque, en fait. Mais moi je l'aimais comme ça. Elle a toujours été ma confidente et mon amie plus que ma mère. Nous avions une relation particulière que j'adorais car elle était unique. Je pouvais tout lui dire, absolument tout. Elle a toujours été persuadée que ne pas avoir de père avait de l'importance pour moi et a été présente plus que deux parents ne le sont normalement, mais sans jamais m'étouffer. Elle a été une excellente mère, pédagogue et encourageante, ayant aussi ses faiblesses, que je lui pardonnais sans réfléchir. Parce que je l'aimais.

Mon enfance se déroula sans autre problème que l'absence de mon père, qui ne me faisait souffrir que quand elle faisait de moi quelqu'un de différent. Je m'amusais alors à lui inventer une vie, différente à chaque fois. Tout valait mieux que l'ignorance. Quand j'avais dix ans, nous avons quitté Lyon pour Rennes, où Maman avait eu une proposition intéressante pour un emploi.

Une petite fille d'une dizaine d'années aux couettes blondes brandit haut sa petite main aux ongles soigneusement coupés au ciseau, un grand sourire aux lèvres. La maîtresse lui demanda de se présenter rapidement, ce qu'elle fit d'une voix enfantine où on lisait une fierté presque risible.

D'autres profils du même type suivaient, légèrement différents, mais comportant toujours un élément dérangeant, toujours le même…

Bientôt la tête de l'institutrice, qui ressemblait à s'y méprendre à un hibou avec ses grosses lunettes, se tourna vers Blue.

Elle lui assena un sourire encourageant qui la fit frissonner. Prendre la parole en public la mettait mal à l'aise, et la gamine n'avait pas la moindre idée quant à la façon de dire les choses…

Blue se tourna vers le rouquin qui avait osé mettre le sujet tabou sur la table. S'empourprant un peu plus, elle bafouilla, cherchant une réplique qui puisse lui clouer le bec, et finit par trouver quelque chose qui ferait l'affaire, du moins un moment.

Je ne garde pas un très bon souvenir de mes années de collège. J'étais timide et mal dans ma peau, assez égoïste, aussi. Je détestais qu'on me parle de mon père, ce que les gens faisaient quand même. C'est aussi la période où on m'a le plus charriée avec mon prénom. Un peu d'originalité les perturbe, à ces ados puériles et boutonneux du collège. Heureusement, il y avait le conservatoire. J'y suis entrée en sixième, et j'y ai pris des cours de piano, mais aussi de solfège et de chant. Autant dire que je passais tout mon temps là-bas. J'ai rapidement progressé, en particulier en improvisation. Il me suffisait de me rappeler l'une des histoires de Maman et je trouvai les notes pour l'illustrer, sans me poser de questions. A cette période, je n'avais pas beaucoup d'amis. Je ne cherchais pas à comprendre les gens et je restais enfermée dans ma bulle et mes préjugés, persuadée que c'était de leur faute si je n'étais pas intégrée. Il est plus facile de critiquer que de se remettre en question…
Elève "modèle" selon les profs, je passais mes nuits d'insomnie à lire et j'ai sauté la quatrième, ce qui provoqua un isolement absolument complet durant ma dernière année, où les élèves, qui me nommaient "l'intello", m'ont réellement repoussée.

Heureusement, il y eut le lycée. Ce fut un changement brutal mais très agréable, un réel tournant dans ma vie. Tant mieux, il était temps de passer à autre chose. Nous avons déménagé juste avant la rentrée pour aller cette fois à Lille, où j'ai intégré la classe musique du lycée. J'allais toujours au conservatoire mais je me suis fait de nombreuses nouvelles amies, chose nouvelle pour moi. IL faut dire que j'avais pas mal changé pendant les vacances. Sans que je puisse expliquer pourquoi, j'étais devenue généreuse, et je prenais plaisir à écouter les gens me racontant leurs malheurs. C'est même devenu une vocation au cours de l'année. Écouter les gens. J'adorais essayer de trouver des solutions à leurs problèmes, et tenter de comprendre leur façon de penser. A cette époque, ma mère passait son temps à me dire que je ferais une psy parfaite... Pourtant je me suis portée sur quelque chose de foncièrement différent. C'est en effet en première que j'ai rejoint le club d'audiovisuel de mon lycée, pour aider une amie qui ne voulait pas y aller seule. Rapidement, j'ai aimé me placer derrière la caméra et filmer des scènes sans intérêt ou la vie des gens autour de moi. Mais ce que je préférais, c'était jouer la bande originale de mes films miniature en direct, à côté de l'écran, en improvisation. Là, pour la première fois de ma vie, quelqu'un, pour la première fois, m'assura avec sincérité que j'avais du talent. On avait déjà dit que je jouais bien du piano ou que je travaillais bien, mais là c'était différent. Un talent, c'est une sorte de don, en fait, selon moi. Ce compliment me vint droit au cœur et c'est pour ça que j'ai continué sur cette voie-là. J'ai pris de plus en plus l'habitude d'écrire mes compositions, que j'aimais jouer régulièrement devant mes amis (et petits amis...). Comme j'avais sauté une classe au collège, j'eus mon bac L avec mention très bien à dix-sept ans. Je ne m'en vante pas. Je déteste qu'on me rappelle que je suis "trop intelligente" voire même "trop mature" pour mon âge. Je préfère oublier mes différences et me consacrer pleinement à mes passions et mes amis. Après ce bac, j'ai entendu parler du CFC Gaumont, une école de cinéma qui me plut tout de suite. L'âge minimum pour y être admis étant dix-neuf, mais j'ai quand même envoyé mon dossier de candidature, avec un enregistrement et un court métrage qui m'avait demandé beaucoup de travail. Ce ne fut pas du temps perdu puisqu'après un entretien avec le directeur de l'école, je fus admise à l'internat. J'espère que cette première année se passera bien, car cet endroit pourrait être celui où je passerai les plus belles années de ma vie... mais je préfère ne pas y penser. Après tout, la jeunesse est surtout faite pour penser à l'instant présent, et pas au futur !

IMPULSIVE ; A L'ÉCOUTE ; DÉTERMINÉE ; PAS TOUJOURS A L'AISE ; STOCKEUSE DE MALHEURS ; BOSSEUSE ; BORDÉLIQUE ; AMATRICE DE COUPS DE CŒUR ; ARTISTE ; FETARDE ; ANTI-CONFORMISTE ; FIDÈLE ; PENSEUSE ; A MOITIE DINGUE ; OPTIMISTE ; (TROP) SINCÈRE ; IMPATIENTE ;

La première chose qu'on remarque chez Blue, c'est certainement sa bonne humeur communicative qui lui sert également de bouclier face aux doutes et aux problèmes, qu'elle stocke pour plus tard. Ses sourires, elle en distribue sans compter sans, faire attention, sans se préoccuper de leurs effets, juste par joie d'exister. Malheureusement, derrière ce joli masque se cachent les malheurs qu'elle néglige et ne confie à personne de peur de transmettre de la mauvaise humeur et qui, au bout d'un mois et demi de silence, se manifestent avec une puissance immense, peut être due à l'accumulation. Autant dire que ça explose. Blue éprouve en fait dans ces moments un tel dégoût d'elle-même qu'elle finit par s'entailler la peau du bras gauche, strié de fines griffures qu'on remarque quand on le regarde de très près. N'allez pas croire que Blue se déteste ! Ce genre d'évènements très néfastes n'arrivent qu'environ une fois par mois. Le reste du temps, le jeune fille qui met par habitude ses problèmes de côté, passe son temps à écouter les autres parler et se confier à elle. Elle adore les aider (elle est d'ailleurs très fidèle à ses amis, avec qui elle montre une tolérance qu'elle veut sans limites), mais plus que tout les comprendre. Comprendre leur fonctionnement et leur façon de réfléchir, et répertorier dans sa tête chaque élément, constituant ainsi une immense encyclopédie des comportements humains qui ne cesse de grossir. Il n'y a que dans les moments où elle écoute ses amis qu'elle fait preuve de patience. En temps normal, elle aime être devant, prendre des initiatives et a du mal à attendre les autres. Blue n'est pas réputée pour sa patience... ni pour sa discrétion, d'ailleurs. En effet, il n'est pas rare de la voir éclater d'un rire franc ou hurler pour se faire entendre à distance. La jeune fille réfléchit toujours après avoir agit, ce qui lui pose parfois quelques problèmes, mais cet impulsivité fait aussi partie de son charme... Pourtant, quand elle estime avoir trouvé un but valable d'efforts, elle se donne à fond dans celui-ci et ne l'abandonne pas, quitte à 'entendre qu'elle est une tête de mule. Par analogie, Blue ne marche qu'aux coups de coeur, que ce soit pour les garçons, les glace ou la décoration de sa chambre. Il lui arrive de changer d'habitudes juste par envie de changer, mais une chose est sûre, Blue évite la norme comme la peste. Être comme tout le monde est pour elle une chose qu'elle ne pourrait tolérer. Elle est elle-même, avec son caractère, ses habitudes vestimentaires, ses préoccupations et ne risque pas de rentrer dans un moule quelconque ! Créative et passionnée de musique et de cinéma, elle passe de nombreuses heures à créer des histoires ou des mélodies qu'elle ne partagera pas, mais qui restent dans sa tête et l'aident à relativiser, chose qu'elle a pris l'habitude de faire dès que possible. Elle passe d'ailleurs de nombreuses heures (car elle dort très peu, par habitude) à réfléchir sur tout et rien. Le but de la vie ? Ce qu'il y a après la mort ? Elle a déjà réfléchi sur ces questions pendant bien des heures... Elle est maintenant convaincue de la bonté humaine. Si un être fait mal, c'est qu'il exprime sa propre douleur, voilà sa façon de voir les choses, même s'il serait parfois plus facile de se convaincre qu'il y a les bons et les méchants. Les solutions de facilité, Blue, les évite autant que possible. Si c'est trop facile, il y a forcément un piège ! Toujours de bonne humeur, comme je l'ai déjà dit, Blue est une fêtarde. Tout mérite un toast, même si elle boit peu. Tout mérite de hurler sa joie, et pourquoi pas de danser ? Blue n'est pas toujours la boute-en-train que vous avez l'impression de connaître. A la caméra ou devant une personne qu'elle ne connait pas, elle se montre timide et parfois maladroite. Ajoutons à cela que Blue est tout sauf maniaque du rangement. Tête en l'air et négligente, il n'est pas rare qu'elle perde ses clés ou oublie un évènement... Profondément marquée par l'absence de son père, elle a gardé l'habitude de lui inventer une vie farfelue que personne ne croit, et elle y prête peu attention. Peu de personnes connaissent ce manque d'affection dû à l'absence de cet inconnu, mais elle ne parle jamais de lui, alors les autres s'en doutent... Tous ses troubles, elle les fait passer dans sa musique, qui s'enrichit de ses doutes et ses souffrances enfouies. Si cela peut la rendre plus belle, pourquoi pas ?